Belle Elfie. Une beauté digne de Cléopâtre. Mais tu n'étais pas reine, ni même esclave ; un juste milieu entre ces deux classes. Père était tresseur  de panier, Mère t'avait tout montré. À cuisiner, à s'occuper des cadets, tenir la maisonnée. Quelle femme à marier! Père a insisté, Il était privilégié, Mère a rajouté : il n'est pas si laid garçon, que tu serais traitée comme princesse. Tu as refusé, à quoi bon se marier avec un avorton? Il ne savait même pas compter jusqu'à trois sans se tromper, puis il avait un de ces mauvais caractères. Brillante Elfie, tu connaissais ta valeur. Et lorsqu'ils menacèrent de te mettre à la porte face à ton refus, tu partis vers l'ailleurs, un baluchon presque vide sur l'épaule.

Tu ne savais pas trop où tu allais. On t'avait parlé d'un havre de paix, à des jours de marche. Il t'auras fallu longtemps, des semaines entières, avant de te retrouver face au Désert Rouge. Une longue marche sous le soleil de plomb, les orteils endoloris, la plante du pied à vif, écorchée, par les cailloux rouges. Larmes ruisselants sur le visage, regrets dans le fond du crâne. Pourquoi n'ai-je donc pas accepté ce qu'ils m'offraient? Puis tu te ressaisissais : les mariages forcés, c'était mal, très mal. Mais tu ne les haïssaient pas ; ils te voulaient du bien, au fond. Le cœur plus léger après la marche dans le désert, tu tombas face à face avec un miracle, après tant de désespoir. Jenanálhem telle qu'on te l'avait décrite.

L'histoire pouvait recommencer, c'était une renaissance pour toi, belle Elfie. Tu recherchas un endroit où dormir ; un aubergiste te proposa encore mieux. Tu serais logée et nourrie si tu devenais son associée. Tu savais compter et signer ton nom. Tu remplissais amplement les critères du poste. Le vieillard te prit sous son aile, jusqu'à son décès, il y a quelques mois. Le pauvre homme s'était étouffé avec un os de poulet sans que personne ne le voit. Depuis ce temps, tu tiens boutique, tu es la nouvelle aubergiste de Jenanálhem.